La fin du voyage pour Bilbon, la compagnie des Nains et… pour Peter Jackson, qui clôt ici sa deuxième trilogie adaptée de J.R.R. Tolkien. La Désolation de Smaug, il y a un an, nous avait laissés comme deux ronds de flan avec sa conclusion en queue de poisson. Faisons donc comme si de rien n’était et reprenons les événements à la seconde même où le gigantesque dragon, réveillé par les Nains dans son antre d’Erebor, file tout droit sur la cité lacustre voisine pour y répandre terreur et désolation…

Il faut reconnaître une sacrée habileté à Peter Jackson, à ses complices habituelles Fran Walsh et Philippa Boyens, et à Guillermo del Toro (ici coscénariste) pour avoir réussi à tirer du « petit » roman Le Hobbit (300 et quelques pages, publié en 1937) une saga filmée totalisant plus de sept heures de projection et pouvant tenir le public en haleine sur trois années ! Cet ultime volet cueille les spectateurs sans ménagement en les précipitant in media res dans le désastre rougeoyant provoqué par le dragon. Les tableaux exécutés par les bataillons de graphistes de WETA Workshop sont à la hauteur des ambitions visuelles du maître d’œuvre : le spectacle est encore une fois splendide, et il réserve encore bien d’autres merveilles passé la première bobine, lorsque s’est éteinte la colère du dragon.

Contrairement aux deux premiers films, centrés sur l’expérience du petit Hobbit (Martin Freeman est toujours un comédien très attachant, même s’il interprète Bilbon exactement comme il joue le docteur Watson !), le récit de La Bataille des cinq armées se partage équitablement entre de nombreux points de vue : Bilbon, donc, mais aussi Thorin Écu-de-Chêne, le monarque gagné par l’ivresse de l’or, l’archer Bard (Luke Evans) et, entre autres encore, l’Elfe Tauriel, magnifique dame qu’on retrouve tiraillée entre sa condition d’immortelle et son amour impossible à dissimuler pour le Nain Kili. Qu’on se le dise : Jackson a eu du génie en offrant le rôle à Evangeline Lilly, bouleversante de bout en bout, et qui, par ailleurs, campe le seul personnage féminin d’importance. Les sentiments de la comédienne crèvent l’écran, ses larmes sont les nôtres et, après La Désolation…, sa présence s’avère de nouveau l’un des grands atouts du film.

La montagne d’Erebor, reprise par les Nains, regorge de richesses qui ne manquent pas de susciter des appétits cupides. Ainsi les alentours sont investis par plusieurs armées, dont une myriade d’Orques des plus musculeux et hargneux. Grâce à eux, Jackson confère un visage d’une laideur extrême à la culture de la violence et à la cupidité. C’est un des messages du film, on ne peut que le saluer tout en savourant, en contrepoint, la simplicité des ambitions de Bilbon, symbolisées par un gland de chêne glané au cours du périple et que le Hobbit rêve de planter dans son jardin, une fois rentré chez lui, si tant est que l’aventure et les périls à affronter ne le privent pas de regagner sain et sauf son douillet foyer dans la Comté.

Après deux premiers films qui ne nous avaient pas totalement convaincus, Peter Jackson finit donc par remporter l’adhésion avec cette très belle conclusion. L’ultime scène, avec Ian Holm dans le rôle de Bilbon âgé, permet de raccrocher les wagons et d’enchaîner avec Le Seigneur des Anneaux. De retour à la maison, on peut donc glisser dans le lecteur son DVD de La Communauté de l’Anneau, puis celui des Deux Tours, etc. et de poursuivre l’aventure jusqu’au bout de la nuit… Pour Peter Jackson, la page Tolkien semble en revanche bel et bien tournée, et on n’a qu’une hâte : découvrir bientôt dans quel(s) univers le cinéaste de Wellington va à présent s’engager.

Sorti dans les salles françaises le 10 décembre 2014.