Jean-François Dubeau est québécois et, en dépit de son identité francophone, le romancier écrit en anglais. Un choix qui lui ouvre une voie de passage dégagée vers toutes les librairies nord-américaines, mais qui peut, éventuellement, constituer une légère déception linguistique pour les lecteurs passionnés de la langue française parlée par nos cousins d’outre-Atlantique. Après un premier roman de science-fiction encore inédit chez nous (The Life Engineered, 2016), voici Le Dieu caché (A God In The Shed, en v.o.), dont les pages nous emmènent à Saint-Ferdinand, un patelin du Québec où sévit depuis deux décennies un tueur en série. On comprend illico pourquoi Bragelonne apparente le récit aux romans de Stephen King dans son accroche en couverture : la bourgade a tout d’un village jumelé avec Castle Rock, la petite ville imaginaire du Maine où se déroulent un certain nombre des intrigues fantastiques de King (Dead Zone, Cujo, Bazaar… pour ne citer que quelques titres). Cependant Dubeau, par une citation qu’il place en exergue, préfère rattacher son travail à un autre grand nom de la littérature horrifique, H.P. Lovecraft. D’où un récit hanté par un « dieu », une entité maléfique, mystérieuse et millénaire dont l’existence est connue d’un petit groupe d’habitants de Saint-Ferdinand, lesquels ont créé une société secrète d’initiés ayant maille à partir avec la chose surnaturelle.

Misant peut-être sur la familiarité des lecteurs avec la mythologie inventée par Lovecraft (les « Grands Anciens », le culte de Cthulhu, etc.), J.-F. Dubeau ne ressent pas le besoin de justifier plus que ça la présence d’une telle créature dans la campagne canadienne. C’est un peu gênant car il faut accepter l’idée sans broncher, et suivre sans se poser de questions les péripéties macabres endurées par une petite bande d’ados et leurs parents, par le chef de la police du coin et son fils, par un médecin-légiste, une psychologue, le vieux patron d’un cirque, un artiste-peintre… La galerie est très fournie et c’est un autre problème du livre : éparpillé entre les nombreux personnages, le récit ne propose pas vraiment de « héros » pour nous guider dans l’intrigue, ni de ligne directrice claire. On a plutôt l’impression d’une scène occupée par une multitude de seconds rôles auxquels on peine à s’attacher, et au milieu desquels on se sent parfois un peu perdu. La lecture n’est jamais ardue pour autant, parsemée d’épisodes très gore, d’apparitions fantomatiques, de rituels de nécromancie… mais l’impression générale d’assister à tout cela à titre de simple témoin, extérieur et détaché, perdure jusqu’à la dernière page. Dommage.

En librairie depuis le 14 octobre 2020.