Sur le chemin de son nouveau lycée, Jûzô, 16 ans, tombe sur le visage d’une jeune fille qui affleure d’un buisson. On n’est pas n’importe où : le buisson en question se trouve dans un petit sanctuaire shinto en bord de route, et la jeune fille n’est pas n’importe qui, c’est une déesse du nom de Mitama Kamikino. Voilà 3000 ans qu’elle est officie dans l’enceinte du lieu sacré, attendant quelqu’un comme Jûzô, capable grâce à un sixième sens de percevoir sa présence et de l’aider à sortir…

Le finesse du trait de Fumitaka Kato nous rend immédiatement sensible la mignonesse de la déesse, dont Jûzô tombe amoureux en un claquement de doigts. La journée qui s’annonçait banale prend une tournure extraordinaire : une fois extirpée du buisson, Mitama annonce qu’elle ne veut plus être déesse, qu’elle aspire à une vie de mortelle et que, pour cela, elle doit épouser un humain. Et Jûzô, abasourdi, ferait parfaitement l’affaire ! L’aventure qui s’ensuit mène les deux personnages dans le monde parallèle et magique des dieux, où le mariage pourra être célébré à condition, toutefois, qu’une certaine formalité soit remplie. Inutile d’en dire plus, si ce n’est que ladite formalité pourrait bien être de longue haleine.

L’un des buts avoués d’Hayao Miyazaki lorsqu’il se lança dans le magnifique Voyage de Chihiro était de réenchanter le monde, c’est-à-dire de redonner toute leur place aux mythes et croyances traditionnels du Japon, un héritage délaissé voire oublié par une société moderne matérialiste. On retrouve ce type de constat dans La Déesse de 3000 ans, où l’on voit que les lieux sacrés se retrouvent parfois laissés à l’abandon et même encombrés de détritus. Cependant le travail de Fumitaka Kato ne tombe par autant dans une sorte de nostalgie béate et cucul, le cœur de son histoire est ailleurs : loin des princesses Disney aux qualités univoques, la jolie Mitama, tout de même bien pressée de se marier, ne recule pas devant le mensonge, à plus d’une reprise, pour s’attirer les attentions de son élu. De chapitre en chapitre, et de décor en décor tous plus fignolés les uns que les autres (arbres, fleurs, insectes, architectures traditionnelles… aucun détail n’est expédié, tout est vraiment très, très beau), les rapports oscillent entre amour courtois et malaise, entre élan de tendresse et méfiance. Des péripéties sentimentales qui piquent l’intérêt et la curiosité, d’autant qu’elles sont souvent saupoudrées d’humour et relevées de quelques trouvailles surréalistes. Une qualité, en tout cas, ne varie pas, la grâce avec laquelle la mangaka trace ses personnages et tout ce qui les entoure. Gageons que le charme perdurera dans le tome deux, à paraître début décembre…

En librairie depuis le 22 septembre.