Lors du dernier festival du jeu de rôles de Kaysersberg, un grand nombre de visiteurs a pu découvrir ce loisir grâce à Johan Scipion et son jeu «Sombre». L’occasion rêvée de rencontrer ce créateur imaginatif !

Khimaira: Bonjour et merci de votre accueil.

Johan Scipion: De rien, tout le plaisir est pour moi.

 

K.: Commençons, si vous le voulez bien, par parler un peu de vous.

J.S.: Ça va être rapide parce qu’il n’y a pas tant de choses intéressantes à en dire. Donc j’écris des trucs. Autrefois, des articles dans la presse spécialisée «cultures de l’imaginaire». Aujourd’hui, des nouvelles à lire la nuit et «Sombre», un jeu de rôle pour se faire peur comme au cinéma.

 

K.: Pourriez-vous nous en parler un peu plus?

J.S.: Volontiers. Le concept de «Sombre» est que chaque partie est un film d’horreur. D’une séance à l’autre, on peut, avec les mêmes règles, faire un film de zombies, un thriller horrifique avec supplément de serial killer, de l’horreur gothique à base de vampires aristocrates, un survival forestier avec des rednecks dedans, ou que sais-je encore. Le point commun est qu’à chaque fois, les joueurs incarnent les victimes.

Les règles sont simples vraiment simples. Tout le système, du roll under classique, mais ultra épuré, s’articule autour de deux jauges, «Corps» et «Esprit», qui servent à la fois de compétences et de réserves de points, respectivement de santé physique et mentale. Le cœur des règles, un document d’une dizaine de pages que j’ai appelé Sombre light, est gratuitement téléchargeable sur notre site (http://terresetranges.net/). C’est un bon moyen de découvrir le jeu et de commencer à jouer avec.

 

K.: Comment est né «Sombre»?

J.S.: À l’origine, c’est-à-dire il y a près de vingt ans, je menais Kult. Plutôt, j’essayais de le mener. J’adore ce jeu. Tellement que je me suis efforcé d’y jouer «by the book». Je voulais vivre et faire vivre l’expérience Kult au plus près des intentions de design de ses auteurs. Sans succès, malheureusement. D’un côté, je ne suis jamais parvenu à faire tourner le système officiel à ma table; de l’autre, je n’ai pas non plus réussi à faire entrer son univers dans mes parties, ou seulement quelques minuscules petits bouts.

J’essayais de jouer à Kult dans les règles de l’art et je me suis retrouvé à l’accommoder à la sauce Johan Scipion. Règles simplifiées et scénarios ressemblant furieusement à des films d’horreur. À un moment (il m’a quand même fallu cinq bonnes années pour le comprendre, c’était à l’orée des années 2000), j’ai réalisé que j’étais en train de développer mon propre jeu. Épiphanie rôliste, la première d’une longue série. Quand je me suis remis à bosser, je savais que je travaillais sur mon propre jeu. Quinze ans plus tard, j’y suis encore.

 

K.: Vous êtes parvenu à proposer des parties très courtes, autour de 15 minutes, ce qui est assez rare dans le milieu du jeu de rôle. Comment faites-vous cela?

J.S.: Ben, je travaille. Une idée après l’autre. Hop hop hop, en petites foulées.

 

K.: Qu’en pensent les joueurs? Les débutants, bien sûr, mais aussi les autres, les expérimentés?

J.S.: Il faudrait le leur demander, je n’irai certainement pas parler à leur place. Moi, en tout cas, je m’éclate à mener «Sombre zéro», la variante simplifiée de «Sombre» qui me permet de faire des démos sur des formats ultra courts. C’est intense et fun.

K.: Quelques mots sur le fanzine, peut-être?

J.S.: En 2010, j’étais arrivé au bout d’un long cycle d’écriture et de playtest. Mon système était stabilisé, carré de chez carré. Depuis 2008, j’en avais publié diverses versions en PDF sur http://terresetranges.net/. Là, je sentais que j’avais atteint le bout du bout. Il n’y aurait pas d’autres évolutions majeures. Et de fait, il n’y en a pas eu depuis.

À côté de ça, j’étais très loin de pouvoir présenter un projet à un éditeur. Je n’avais qu’un seul scénario de rédigé, et mon chapitre de conseils était en vrac. Or j’avais envie de publier «Sombre», sur papier je veux dire. Envie et besoin. J’ai un peu cogité et le format fanzine s’est vite imposé comme la solution idéale. Il me permet de diffuser plus largement «Sombre» (oui, l’audience des PDF gratuits est, paradoxalement, plus limitée que celle des fanzines papier) et de le faire à mon rythme, à mesure que j’écris et playteste.

Par-dessus tout, la forme fanzine me paraissait accessible. J’en avais fait avant de bosser en presse pro, je savais donc par quel bout prendre le truc. Je pensais pouvoir assumer seul toute la chaîne de production, ce qui me permettrait de gagner un temps colossal. Bon, la mise en page resterait artisanale et il n’y aurait pas de jolies illus, mais cela me paraissait très acceptable dans le cadre d’un fanzine. Ah si quand même, niveau jolies illus, j’ai fait appel à Greg Guilhaumond pour qu’il me fasse des couvertures qui pètent.

Quatre ans et trois numéros plus tard, je peux dire que ce fanzine est l’une des meilleures décisions que j’aie prises pour mon jeu. J’adore écrire et publier cette revue. J’y prends un pied colossal.

K.: Avez-vous d’autres productions/créations sur le marché?

J.S.: Comme je te le disais, j’écris des nouvelles. Et même, des éditeurs les publient dans leurs anthologies. C’est fou. Ma biblio est sur nooSFere.

Je prépare un recueil de textes courts dans un peu tous les genres et les sous-genres de la peur. Fantastique, horreur, fiction criminelle et tutti quanti. Je cause de ce projet sur mon forum.

 

K.: Quels sont vos projets à court terme ?

J.S.: «Sombre 4». Si tout va bien, début 2015.

 

K.: Le mot de la fin pour nos lecteurs?

J.S.: Cucurbitacée.

K.: Excellent! Merci!

 

Les différentes illustrations de cette interview sont signées Greg Guilhaumond