Bonjour, Cindy, et merci de bien vouloir répondre à ces quelques questions. Vous êtes l’auteure de la nouvelle série à succès (tout le mal qu’on lui souhaite) des éditions Gulf Stream : Les Outrepasseurs, tome I les héritiers.

Cindy Van Wilder : Bonjour et merci de m’accueillir sur votre site !

Mais qui êtes vous ? Belge ? mais encore ? 

Je plaide entièrement coupable pour la belgitude. Sinon, je suis une trentenaire, traductrice au quotidien et je vis avec une Muse coincée quelque part dans le cerveau (je vous rassure, la cohabitation se passe bien !)

D’où viennent les Outrepasseurs ?

Bonne question ! Les Outrepasseurs résultent d’une convergence d’idées et d’inspirations diverses, en commençant par les contes de fée – les versions originales, pas celles de Disney – le Roman de Renart, dont je possédais un magnifique album illustré dans mon enfance (malheureusement perdu depuis !) et ma volonté de mettre en scène des gens ordinaires soudainement confrontés à l’inexplicable.

C’est un thème qui me tenait à cœur, celle de l’alliance sacrée face à une menace extérieure, comme par exemple on peut le voir dans Dracula un roman qui m’est cher. Ici, j’avais envie non seulement de narrer l’origine de cette société secrète des Outrepasseurs, mais aussi de voir son évolution à l’époque d’aujourd’hui. Un thème qui tiendra l’avant-scène dans les prochains tomes !

On sent dans le roman que vous maîtrisez votre sujet, avez vous tout inventé, avez vous eu besoin de vous documenter ?
–       sur la période médiévale ? pour le décor, les impressions, les couleurs…
–       sur les fés ?
–       sur les croyances de l’époque ?
–       on sent d’ailleurs plusieurs types d’influence, mythologie, Moyen Age…

Oh, bien entendu pour le besoin de me documenter ! C’était non seulement une nécessité – je ne suis pas du tout historienne, même si j’entretiens un grand intérêt pour l’histoire – mais également un plaisir. La période médiévale, en particulier, m’a fascinée. J’étais loin d’imaginer que l’époque qui est traitée dans ce premier tome – le début du XIIIe siècle – était synonyme de changements sociaux aussi importants, puisqu’à ce moment, commence la création de « villeneuves » – ce que je mets en scène dans mon roman – à savoir des villages créés artificiellement par les seigneurs du cru, dans le but d’attirer les paysans et de les recruter pour des travaux d’envergure, comme l’assèchement des marais, la déforestation, etc. C’est un concept à la fois ancien et moderne, puisqu’il se répète encore de nos jours. Explorer cette époque m’a permis aussi de réviser mon opinion sur pas mal d’idées que j’avais du Moyen-Âge en général. C’était très intéressant !

Pour ce qui est des fés, comme je le disais plus haut, j’avais déjà une idée sur ce que je voulais en faire. Des inspirations contemporaines, comme celles d’Angela Carter, de Pierre Dubois ou encore Neil Gaiman, n’y sont pas non plus étrangères.

Comment construit-ton un tel monde ? Beaucoup de temps  avant d’arriver sur la page ?

Oui, bien sûr. J’envie les auteurs qui connaissent directement les moindres recoins de leur univers et savent d’emblée quels dénouements leur intrigue va connaître. Personnellement, j’en suis incapable ! J’ai besoin d’explorer mon monde, de tester mes personnages, de découvrir leurs limites, de faire parfois fausse route et de m’égarer dans mon histoire. Ce qui explique d’ailleurs que je finis souvent par jeter mes premières versions dans la corbeille de l’ordinateur ! Pour autant, je ne considère pas ce travail comme du temps perdu. Cela me donne des repères, aussi bien pour la création de cet univers que pour son évolution dans les opus suivants.

Vos personnages sont particulièrement vivants et crèvent littéralement les pages, avez vous du fournir un travail particulier d’écriture ou alors est-ce facile, on se lève le matin et hop c’est parti ?

J’aimerais bien ! Comme je le disais plus haut, j’ai besoin de m’imprégner de l’atmosphère d’un texte, de l’histoire que je veux mener, de faire connaissance avec mes personnages. Pour autant, je dois dire que je travaille toujours par ordre chronologique. Certains de mes amis de plume sont capables, par exemple, d’écrire la fin de leur histoire avant de rédiger le début, travaillant dans un désordre apparent. Personnellement, j’en suis incapable. J’ai une idée d’où je veux aller, mais je veux aussi me laisser surprendre par l’histoire. C’est la même chose avec mes personnages. Leur évolution au fil des pages m’a étonnée à plus d’une reprise. S’ils donnent l’impression aux lecteurs d’être des êtres de chair et de sang, le pari est plutôt réussi J

Dans ce premier tome vous avez choisi de nous mettre littéralement en apnée un peu comme Peter et les autres initiés sans vraiment nous donner la possibilité de les connaître vraiment ! est-ce prévu pour la suite ? pourquoi avoir fait ce choix qui entraine tout au long de ce premier volume les lecteurs dans le début de l’histoire ?

Oui, c’est clairement un parti pris. Pour pouvoir parler par la suite de l’évolution des Outrepasseurs et des Héritiers, dont Peter fait partie, il me fallait d’abord narrer leurs débuts, le défi étant bien sûr de pouvoir jouer sur les deux intrigues différentes à la fois. Je voulais aussi que le lecteur soit mis en apnée autant que mes personnages, qu’il se sente aussi curieux de découvrir ce qui avait provoqué la naissance des Outrepasseurs. Et puis, je donne déjà un aperçu de la manière dont les caractères de chacun vont évoluer par la suite.

Certains de vos personnages sont davantage marqués que d’autres, sans dévoiler tous les secrets de la saga, en apprendront nous davantage sur le maître des Otrepasseurs, sur les différents héros, sur les fés ?

Oh, certainement ! Je n’en ai pas terminé avec eux… ni avec d’autres personnages d’ailleurs !

Certains personnages sont particulièrement troubles et troublants même : le Chasseur par exemple ! Surprenant presque de trouver un être aussi cruel et sans limites dans un roman pour la jeunesse ? Quand vous l’avez pensé, créé (on espère qu’il n’existe pas  ? Qu’est-ce qui vous a inspiré ?

En écrivant les Outrepasseurs, je n’avais pas en tête un public déterminé. J’ai écrit l’histoire que je voulais narrer, et donc les personnages aussi. Le Chasseur s’est imposé de lui-même. Pour l’inspiration, je n’ai pas eu à puiser fort loin : quand on lit certaines versions originales des contes, il y a là une belle brochette de personnages que nous ne voudrions pas croiser dans la vie réelle, mais qui n’en demeurent pas moins fascinants. Sans aucun doute car ils représentent des êtres qui ne s’encombrent plus de conventions sociales, des êtres qui vont au-delà des frontières. Tels les Outrepasseurs d’ailleurs !

Ce personnage dégage une violence, mais aussi un sensualité trouble, ses attirances quasi (pourquoi quasi d’ailleurs) charnelles pour les filles mais aussi les garçons avec Arnaut sont très clairement évoquées : est-ce que cela a été évoqué, réfléchi ?

Oui, bien sûr. Je pense d’ailleurs à une remarque d’une lectrice, qui m’a fait part de sa surprise face à certains passages sensuels qu’on ne s’attend pas forcément à voir en jeunesse et même en Young Adult. En ce qui concerne le Chasseur, il y avait là un ressort essentiel pour l’intrigue du premier tome, qu’on va d’ailleurs retrouver dans la suite, et aussi toujours une volonté de rendre hommage aux contes de fée originaux, qui valent leur pesant d’or en matière de sensualité et même d’érotisme.

Je précise ma pensée : on trouve rarement encore en littérature jeunesse ce type de personnage pour le moins complexes dont les penchants homosexuels et violents sont évoqués de façon aussi claire ? Même si cela reste fugace bien évidemment dans le roman

Pour moi, le personnage du Chasseur est au-delà des étiquettes. Comme je l’évoquais plus haut, c’est un être sans tabous, sans frontières également. Il était intéressant de partir de cette facette du personnage et de voir comment il évoluait par la suite…

En ce qui concerne l’exploration de thèmes plus adultes dans la littérature jeunesse et de mon point de vue, je pense qu’il y a une libération à ce niveau, qui est de plus en plus présente, par exemple dans le Young Adult ou littérature passerelle. Les auteurs flirtent avec les frontières, jouent avec les tabous (et pas seulement au niveau du sexe d’ailleurs !) et rendent leurs histoires plus réalistes de cette manière, plus fascinantes aussi. L’adolescence est justement une période où les questions au sujet des frontières et des limites éclosent, aussi je trouve que les aborder dans la fiction est bénéfique.

L’éditeur vous a-t-il laissé toute liberté ?

Entièrement. Je remercie d’ailleurs mon éditrice de sa confiance à ce sujet, ainsi que de ses conseils avisés !

Pense-t-on littérature jeunesse quand on écrit ce genre de roman ?

Comme je l’ai dit plus haut, en écrivant le premier tome des Outrepasseurs, je n’avais pas de public déterminé en tête. Je ne me suis pas dit « je dois traiter de tel ou tel sujet » ou encore éviter certains sujets. J’ai écrit l’histoire qui me passionnait le plus, celle qui me démangeait l’esprit et les doigts (quand je vous dis que j’ai une Muse coincée dans la tête, n’est-ce pas !). Et je continue à respecter cette méthode, d’ailleurs.

Les éditions Gulf Stream nous annoncent la suite pour 2014 et le dernier tome pour 2015. Ils nous ont habitué à tenir les délais : alors ? Où en êtes vous ? devra-t-on attendre longtemps la suite ?

Alors, pour le moment, je suis en pleine rédaction du tome 3 pour laquelle j’ai bien entendu un délai à respecter (sinon je vais me faire taper sur les doigts !). Le tome 2 est prévu en septembre de cette année et le tome 3, pour mai 2015.

Vous vous doutez qu’on l’attend avec impatience et que des dizaines de questions sur les différents héros  se pressent sur nos lèvres ?
–       les retrouvera-t-on tous dans les tomes suivants ?
–       pourquoi ? comment avez vous choisi les différentes maisons d’animaux ?
–       va-t-on plonger dans le monde des fés ? …
–       question idiote : la suite est-elle aussi bien ?

Ce sera à vous de décider.  Vous permettez que je réponde « joker » à vos autres questions ?

Un très grand merci à Cindy Van Wilder pour sa gentillesse et sa disponibilité, ainsi qu’aux éditions Gulf Stream (Angela tu te reconnaîtras) pour leur mise en relation.  On attend donc les prochains tomes avec impatience, Khimaira sera au rendez-vous.