« Avez-vous déjà tué votre meilleur ami ? » La question faisait office de slogan sur l’affiche française de Battle Royale, on aurait pu aussi la trouver sur celle de Harpoon, petite production canadienne ensoleillée sous la forme d’un huis clos en (wide) open space : trois amis (dont deux sont en couple) se retrouvent coincés sur un yacht en panne. La mer est d’un calme plat mais désespérément déserte, les heures et les jours passent, il n’y a plus rien à boire, plus rien à manger… Comme dans la chanson, il va peut-être falloir tirer à la courte paille pour savoir qui sera mangé !

Écrit et réalisé par le dénommé Rob Grant, Harpoon nécessite un temps d’adaptation pour que le spectateur consente à se laisser happer dans l’histoire : à l’exception notable d’un narrateur extradiégétique, dont la voix off sarcastique fait régulièrement irruption dans la bande son, le trio de personnages occupe à lui seul toute la scène, et les deux gars comme la fille s’avèrent très antipathiques. Pas évident de s’émouvoir pour le destin de Richard (le bien nommé vu que c’est un fils à papa pourri-gâté, hyper-agressif à la moindre contrariété), de Jonah (le loser de la bande, un type sans le sou et surtout sans aucune attache sentimentale, plus ou moins aux crochets du premier) et de Sasha, la petite copine, infirmière au sens éthique élastique, pour toutes sortes de raisons. À bord du rafiot de luxe, les trois antihéros, dont les rapports « amicaux » sont pollués par moult suspicions et rancœurs, accumulent des conneries qui vont vite les vouer à en baver (partir au large sans emporter d’eau douce, balancer plein de trucs utiles par-dessus bord, bousiller la radio, etc.), de sorte que puisse se mettre en place un jeu de massacre cynique et, d’un point de vue humain, parfaitement désolant. Mais bon, le récit s’enfonce peu à peu dans l’horreur jusqu’à verser franco dans des séquences sanglantes qui ne peuvent qu’exciter les vilains petits « goreux », et c’est toujours ça de pris. Évidemment, il n’y a pas un seul personnage pour racheter les autres, et on comprend fissa que l’histoire ne peut pas moralement se conclure de trente-six façons… Harpoon est à garder sous le coude pour un soir où l’on se sentirait d’humeur particulièrement hargneuse et sadique (le film est sorti en février dans son pays d’origine et n’est pas encore disponible en France, mais ça ne devrait pas tarder).