Dans un lointain avenir, les progrès du génie génétique ont rendu possible la création par les états-majors de régiments entiers de clones-soldats, autrement dit de générations de trouffions élevés tels du bétail dans le respect de la hiérarchie et de la discipline. Créé comme tous ses « frères et sœurs » dans un « materédu » — une pouponnière spatiale — , Gurvan est un jeune pilote prêt à s’envoler pour en découdre avec l’ennemi. Son objectif : servir la cause guerrière mais aussi rester en vie tout au long des sept années de service réglementaire, au terme duquel il pourra prétendre à une retraite bien méritée sur la colonie de son choix…

On pense évidemment un peu à Starship Troopers à la lecture de Gurvan, épopée de S.F. dystopique où la science, venant en appui de la propagande belliqueuse des élites dirigeantes, sert autant à produire des machines de guerre que de la chair à canon. La mécanique totalitaire n’aurait besoin que d’un grain de sable pour s’enrayer, et ce sera Gurvan qui va assumer ce rôle, prenant peu à peu conscience des couleuvres énormes que lui et ses congénères avalent le bec grand ouvert depuis leur naissance. Qu’importe ses correspondances avec le fameux film de Paul Verhoeven (et le cheminement personnel du héros, un parcours initiatique déjà vu ailleurs), le scénario rigoureux signé du Français Mathieu Mariolle (d’après les romans de Paul-Jean Hérault) dépeint avec cohérence une société martiale qui fait froid dans le dos. Et face aux bataillons clonés, qui, au juste, est l’ennemi ? Des monstres, rien de plus, c’est le message officiel que les soldats s’entendent rabâcher à longueur de journée. Bien sûr, la réalité est tout autre. Un space opera antimilitariste captivant et porté par le trait exquis de la dessinatrice italienne Livia Pastore, originaire de Naples, qui s’y entend pour diriger sous nos yeux des batailles spatiales aux mouvements d’appareils acrobatiques dignes de Top Gun.

En librairie le 4 janvier 2023.