Même équipé du meilleur détecteur de métaux, on peut passer des années — au moins ! — à sonder les prés et les sous-bois avant de tomber sur un trésor. Notre héros, Fred, ne se décourage pourtant pas et, toutes les 10.000 capsules de bouteille et les 20.000 clous rouillés, il tombe sur une vieille monnaie remontant à Napoléon ou Jules César. Chouette ! Voilà qu’un jour, il tombe sur un objet beaucoup plus grand et fichtrement doré…

Il a fallu aussi beaucoup de patience à Vincent Joubert pour pouvoir nous proposer ces 20 minutes et des poussières de magie lumineuse. Lancé en 2017 et produit en bonne partie grâce à une campagne de financement participatif fédératrice (en renfort de César et Bonaparte, 254 contributeurs ont apporté des bourses pleines de piécettes), Fred — Les Contes du Rêve Minuit arrive aujourd’hui sur Internet et sur nos écrans. La présence au générique de l’elficologue réputé Pierre Dubois vous suffira peut-être à cerner l’esprit du court métrage, mais sinon ne comptez pas sur nous pour vous en révéler davantage… 

Envie d’en savoir plus sur Fred, le personnage comme le film ? Le réalisateur Vincent Joubert a posé son détecteur, sa caméra et ses crayons magiques dans le jardin aux interviews de Khimaira…

INTERVIEW AVEC VINCENT JOUBERT

Khimaira : Bonjour, Vincent. La détection, est-ce une activité que tu pratiques toi-même ? As-tu déjà mis au jour des trésors  — et c’était peut-être le point de départ du scénario ?

Vincent Joubert : Bonjour, Julien. Eh bien non, je ne pratique pas du tout la détection. Par contre j’ai un ami qui régulièrement utilise sa « poêle à frire », et cela m’a sans doute donné la petite idée de départ. Le détecteur de métaux est surtout pour moi un outil qui permet de faire ressurgir le passé dans le présent. Je trouve assez magique de faire émerger du sol des objets ayant séjourné plusieurs siècles sous terre. Le détecteur m’a permis d’autre part de relier le monde réel au monde imaginaire…

Il y a un plan dans le film qui vient démontrer que la magie et le « petit peuple » existent, que tout ne se joue pas dans la tête de Fred. Était-ce important à tes yeux que les spectateurs perçoivent l’histoire ainsi ? Les gens d’aujourd’hui sont-ils aveugles à la magie ? Ou à d’autres choses présentes dans le film et qui sont très importantes à tes yeux ?

Très bonnes questions ^^. En effet l’idée de départ pour moi était de ré-enchanter notre monde qui perd de plus en plus sa « magie », son mystère, sa poésie naturelle. Je voulais donc montrer que le fantastique, le féerique peuvent être tout proche de nous. Ainsi lorsque les spectateurs aperçoivent des créatures que Fred, lui, ne voit pas, ils mettent eux-mêmes un pied dans le monde imaginaire.  Fred, lui, devra s’y confronter bien directement et physiquement pour en prendre conscience, et y entrer plus que pleinement.

L’histoire a l’air de se passer dans les années 1980. Pourquoi cette décennie et non l’époque actuelle ?

On ne sait pas trop si Fred vit en 1980 ou dans la société actuelle, et il aurait simplement gardé la maison, la voiture, la décoration de l’habitation de ses parents. Visuellement je trouve les objets du passé bien plus riches graphiquement, et possèdent surtout plus de poésie que les appareils actuels où le design de l’objet est basé sur la simplification, parfois à l’extrême, de la forme, mettant en avant la fonction plutôt que son aspect.

Le principal indice qui m’a mis sur la piste des années 1980, c’est l’extrait sonore des « Grosses Têtes » avec Bouvard et Léon Zitrone, quand Fred allume la radio en rentrant chez lui…

Oui, effectivement, c’est là où on peut se rendre compte qu’un film, c’est une somme de choses complètement différentes, y compris d’accidents ou d’imprévus. Les Grosses Têtes, c’est une idée de l’ingé son qui cherchait quelque chose libre de droit et, du coup, comme ça collait avec la déco… Alors effectivement, on pourrait penser que l’histoire se passe dans les années 80 , mais cette unité de temps, finalement, s’est construite de façon presque inconsciente. Les éléments se sont assemblés ainsi… sans qu’on l’ait vraiment voulu. Je suis un nostalgique indécrottable des années 80^^, c’est venu naturellement !

Et toute la direction artistique est fantastique, avec un luxe invraisemblable d’objets hétéroclites qui « habillent » l’intérieur de la maison de Fred. Un véritable trésor d’accessoires qu’il a fallu sinon déterrer, en tout cas chiner. Est-ce la mission que tu as confiée au décorateur du film ?

Oui, c’était l’objectif. Thierry, le Chef décorateur, adore comme moi, il adore les empilements, le bazar organisé, etc. Nous nous sommes très bien entendus ^^. De manière générale, dans mon travail d’illustrateur, plus il y a de détails plus je suis satisfait. Visuellement je trouve cela riche et intéressant graphiquement. À moins que ce soit la peur du vide ^^ ?

Pierre Dubois apparaît au détour d’une scène, et il a l’air de jouer son propre rôle. C’est un drôle de personnage, et à l’écran, il n’a pas l’air d’apprécier qu’on vienne remuer les sentiers pour déterrer des fers à cheval. Comment as-tu fait sa connaissance et comment en est-il venu à participer au film ?

Oui, Pierre joue effectivement un peu son propre rôle, le gardien de la féerie et de la nature. J’ai fait connaissance avec Pierre il y a pas mal d’années à l’occasion de la sortie de mon roman illustré La Roue des Vents. Nous nous sommes ainsi rencontrés sur les festivals de l’imaginaire en même temps que d’autres artistes de la fantasy et du fantastique. Depuis nous sommes restés amis et j’ai voulu naturellement l’intégrer à ce projet, l’inscrivant ainsi comme gardien et preuve physique de ce « réenchantement ».

Et dans le rôle principal, Thierry Gousset est parfait, tout en bonhomie, avec un regard tendre et avenant…

Oui exactement, Thierry correspondait bien à ce personnage que j’avais en tête. Il a pu créer Fred en lui insufflant cette simplicité avenante, cette bonhomie à la fois tendre et drôle.

Fred est un héros des plus sympathiques et pourtant il vit isolé, ses compagnons de boisson sont les morts dans les cimetières, et sinon il affectionne surtout les chats. Y a-t-il une corrélation à tes yeux entre la solitude ou, en tout cas, la vie à l’écart et la sensibilité aux mystères et à la magie ? Les premiers plans du film, pendant le générique, qui font explorer son intérieur ainsi que ses propos en voix off et son goût pour le lait nous font aussi sentir que c’est quelqu’un qui n’a jamais vraiment grandi…

Oui, exactement, il s’agit d’un grand enfant, ayant peut-être refusé de complètement grandir, excluant de s’éloigner de ses racines (puisqu’il vit toujours dans la ferme de ses parents). Mais le hasard et la magie vont faire en sorte de lui forcer la main et de le pousser d’une façon exceptionnelle à s’aventurer plus loin vers le monde extérieur… à grandir.

Fred est sous-titré Les Contes du Rêve-Minuit. Cela veut-il dire que tu as d’autres contes en réserve qui, peut-être, se concrétiseront à leur tour par des films comme celui-ci ?

Dans un premier temps j’ai voulu faire ce film après avoir réalisé une suite d’illustrations. Je me suis dit tout simplement, « Tiens, et si je faisais un film dans cet univers ? ». Trois ans et demi plus tard, je finissais Fred grâce à toute une équipe (80 personnes environ) et surtout grâce à Nicolas Ginet, qui m’a beaucoup aidé dans la production du film. Sans lui, ce film n’aurait pas pu se faire.

Et oui, j’aimerais pouvoir en faire une série, tout du moins pouvoir faire un deuxième court métrage mais il est très difficile en France de faire un film de genre, notamment tout public, et surtout s’il nécessite un minimum de budget pour pouvoir atteindre la qualité voulue. La prise de risque parait trop grande pour qu’une société de production s’implique. Alors qu’au vu des retours des spectateurs à la sortie des projections, je peux garantir que ce genre d’univers, d’histoire, de ton, est très apprécié. Ce mélange d’humour, de poésie et d’aventure manque beaucoup, je trouve. Donc, si une société de production passe par ici… ^^

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