Donjons & Dragons… Dans un récent prospectus sur les romans fantastiques, une grande enseigne appelait ainsi la section consacrée à la fantaisie. C’est dire si la notoriété du premier des jeux de rôle a dépassé son cadre initial ! Il a fait cet été son grand retour dans une 4e édition flambant neuve : un événement ludique que Khimaira décortique pour vous !

D comme Didactique

Le premier des jeux de rôle s’appelait Dungeons & Dragons. Fort de son succès, il a connu une version dite « avancée » (AD&D pour « Advanced » D&D). A partir de la 3e édition, AD&D a repris le nom de D&D, ce dernier étant abandonné et remplacé par une boite d’initiation proche du vieux HeroQuest.

Avec la 4e édition, Dungeons & Dragons (le titre n’est plus francisé depuis l’édition précédente), tout a encore été fait pour vous permettre de découvrir le jeu en douceur. La première étape passe par le Fort de Gisombre. Ce scénario d’introduction comprend une version allégée des règles et des personnages prêts à jouer. Sa présentation claire et didactique en fait un excellent point de départ, y compris pour les anciens qui pourront aborder les nouveautés sereinement.

La suite se passe avec trois ouvrages indispensables pour pouvoir accéder au reste de la gamme. Le Manuel des Joueurs contient l’essentiel des règles (création de personnages, combat…), le Guide du Maître est une boite à outils destinée au Maître de Jeu et le Bestiaire Fantastique un recueil d’adversaires. A l’image du Fort de Gisombre, un gros effort a été fait sur l’aspect didactique. Leur présentation et leur organisation sont impeccables et l’écriture globalement limpide.

Un jeu, des univers

D&D est avant tout un ensemble de règles génériques utilisable avec n’importe quel univers médiéval fantastique. Avec les trois ouvrages de base, vous ne disposerez donc pas d’un univers précis. A tel point que le Bestiaire, qui fournissait autrefois quelques indications sur le mode de vie des créatures, est revenu à une simple fiche technique pour être encore plus générique. Ce n’est pas vraiment un problème ; D&D joue sur le côté archétypal du genre et les concepts de magiciens, de gobelins ou de dragons parleront à tout le monde – surtout depuis la sortie du Seigneur des Anneaux au cinéma !

Tous ces éléments se retrouvent d’ailleurs concentrés dans l’univers de référence de D&D, les Royaumes Oubliés, qui sera sans surprise le premier à paraître à la rentrée en VF. En raison de ce côté fourre tout, D&D a souvent été traité « d’auberge espagnole » par ses détracteurs car on y trouve, pêle-mêle, toutes les créatures légendaires de la plupart des pays et que tout ce petit monde coexiste dans un univers commun.

L’apparition d’univers plus typés a un peu aplani tout cela, même si la réputation est restée. Eberron, second univers à paraître en 2009, conserve ainsi un maximum de ces éléments tout en essayant de leur trouver une cohérence d’ensemble.

Du wargame au jeu de rôle… et au wargame

À une époque où les wargames représentaient les seuls jeux de simulation, un certain Gary Gygax, aidé de quelques amis, s’est mis à développer l’importance des héros de ces batailles d’envergure. Rapidement, ces personnages sont devenus plus importants que le reste de l’armée, jusqu’à leur voler définitivement la vedette et même faire disparaître le champ de bataille : D&D était né. C’est dire si, en rapprochant la 4e édition du jeu de figurines à collectionner D&D mini, les concepteurs ont effectué un véritable un retour aux sources !

Les attaques spéciales des guerriers, les sorts de magiciens, etc. sont désormais regroupés derrière un même concept, les capacités de classe. Elles sont très orientées vers le combat, avec de nombreuses options tactiques sur le placement des protagonistes qui supposent d’utiliser un plan quadrillé. Ces capacités correspondent bien sûr à celles qui figurent sur les fiches accompagnant les figurines D&D mini. Ces mêmes fiches offrent d’ailleurs désormais un verso avec les caractéristiques de la figurine au format D&D4.

Des classes et des races

Dans le premier D&D, les classes mélangeaient à la fois occupation (guerrier, magicien…) et race (nain, assimilé au guerrier, Elfe, combinaison du ranger et du magicien). La version AD&D donnait la possibilité de jouer de nouvelles classes (illusionniste, assassin, paladin…) et donnait surtout la possibilité de choisir une race indépendamment de la classe (Nain, Elfe, Demi-elfe, Demi-orque et Humain). Au fil des éditions et des suppléments, races et classes se sont étoffées avec l’apparition de sous-races (notamment une grande lignée d’elfes : noirs, gris, sylvains, aquatiques…) et de variantes de classe (dans la série de suppléments « Manuel du… »). Plusieurs classes, créés à l’origine dans des revues, ont aussi été intégrées officiellement dans les règles dès le livre de base, comme le barbare.

La dernière édition a une nouvelle fois remaniée ces listes. Certains changements répondent à la fois à un besoin de simplification (disparition du moine, du barbare ou encore du gnome) et à la nécessité de proposer du neuf avec quelques nouveautés. Si certaines sont intéressantes, comme les Drakéides, une race mi-homme mi-dragon, ou les Tieffelins, aux origines démoniaques, d’autres semblent superflues, comme le Maître de Guerre (guerrier orienté vers le leadership) ou l’Eladrin (variation féerique de l’Elfe). La politique de Wizard à ce sujet est de toutes façons très claire : un Manuel des Joueurs 2, avec de nouvelles classes et races issues en partie d’anciennes éditions, est d’ors et déjà programmé pour 2009. On notera aussi que les classes de prestiges de la 3e édition n’existent plus et sont remplacées par les voies parangoniques, spécialisations spécifiques à chaque classe.

Une question de compétences

L’un des apports de AD&D par rapport à D&D est un système de compétences permettant d’étoffer les personnages. Mais, toujours dans cet esprit de retour aux sources, il se retrouve quelque peu réduit dans la nouvelle édition. La liste des compétences a été réduite et les personnages, qui pouvaient auparavant investir progressivement dans chacune d’elle, ne peuvent désormais plus obtenir qu’un unique bonus de formation.

Entre les capacités de classes et la réduction des compétences, on retrouve là encore l’un des points qui rendaient le premier D&D unique. En effet, les classes de personnages y étaient résolument stéréotypées et, de fait, totalement bridées : le Magicien sait lancer de puissants sorts sans pouvoir porter une armure, le Voleur possède des talents mais ne peut manier que des épées ou des arcs courts, etc. Cet état de fait peut paraître handicapant, pourtant ce fut également une grande force. En effet, les aventuriers d’un groupe se devaient d’être complémentaires, chacun aidant l’autre sous peine d’échec de l’aventure. Mine de rien, D&D4 vient donc de retrouver l’ambiance collaborative de ses débuts !

D&D et le reste du monde

D&D 3e édition était accompagné de deux licences, d20 et OGL, permettant aux éditeurs tiers de publier du matériel pour le jeu, voir de réécrire le système en tout ou en partie. Le marché du jdr en a été marqué pour les 8 ans suivants sa publication avec une profusion d’ouvrages dérivés de D&D, dont certain sortaient même du strict cadre médiéval fantastique.

La 4e édition changera peut être la donne. Le multi-classage, qui permettait auparavant de s’affranchir de la contrainte des classes, n’est plus utile car les classes portent en elle-même la plupart des capacités accessibles aux personnages. S’éloigner du cadre de D&D suppose cependant de les réécrire avec tout leur catalogue de capacités, autrement dit réécrire rien de moins que le cœur du jeu.

Par ailleurs, il n’existe désormais plus qu’une seule licence, plus restrictive sur ce qu’il est, ou qu’il n’est pas, possible de faire. Si plusieurs éditeurs tel Mongoose Publishing ont déjà fait le saut, d’autres comme Green Ronin ont annoncé ne pas être intéressés pour l’instant. Plus fort encore, les licences d20 et OGL ne pouvant pas être retirées D&D4 se retrouve en concurrence… avec sa précédente édition ! Les éditeurs vont-ils rester sur D&D3 ? Investir sur la 4e édition ? Ou abandonner définitivement ce modèle ? Seul l’avenir nous le dira…