Un film qui nous enjoint de retenir notre souffle une heure trente durant a intérêt à assurer question suspense. Aux commandes, on trouve Fede Alvarez, réalisateur en 2013 du remake, diversement apprécié, d’Evil Dead de Sam Raimi. Après la cabane maléfique paumée au fond des bois, le cinéaste uruguayen investit ici une nouvelle bicoque, non dans la forêt mais au cœur d’un désert urbain, un quartier résidentiel de Detroit dont la crise économique a fait fuir les habitants. La maison plus ou moins délabrée est à l’image des autres bâtiments du quartier. Y vit en solitaire un vieil aveugle, vétéran de la première guerre d’Irak. La blonde Rocky et ses deux amis Alex et Money, un trio de cambrioleurs, apprennent que l’ermite dort sur un pactole. Ils se risquent, à la faveur de la nuit, à l’intérieur de la baraque…

L’idée d’inscrire l’intrigue dans le contexte socio-économique catastrophique de Detroit est bien trouvé, justifiant à la fois la détermination des jeunes voleurs, qui rêvent du soleil de Californie, et le fait qu’en 2016 on puisse trouver un pékin préférant garder chez lui ses dollars plutôt que les porter à la banque (pour info, la grande agglomération du Michigan est une ville officiellement en faillite, avec, dans certains quartiers, un taux de chômage atteignant 50%). La visite nocturne chez l’infirme va tourner au cauchemar : le type a beau être aveugle, c’est un ex-US marine qui a de la ressource et n’est pas du genre à se laisser intimider par trois blancs-becs. Et le face-à-face entre papy musclé et voleurs réserve toute une série de moments tendus où on se surprend, en effet, à retenir son souffle lorsque l’homme au regard mort, véritable épouvantail, hume l’air pour y déceler la présence des intrus, tétanisés et coincés dans une baraque devenue prison. Le jeu de cache-cache fournit la matière à un parcours à rebondissements à travers les pièces, les couloirs et le sous-sol, un terrain de jeu pour Fede Alvarez qui a plus d’une surprise à nous dévoiler au gré des péripéties nombreuses et des retournements de situation. On songe parfois à l’ineffable Sous-Sol de la peur (1991) de Wes Craven, pour l’idée du cambriolage qui part en vrille dans une maison bourrée de recoins et de lieux secrets plus ou moins labyrinthiques. Les décors sont excellents, et l’interprétation impeccable, avec un Stephen Lang flippant dans le rôle de l’aveugle, et la dénommée Jane Levy, la vedette féminine, combattive et très crédible lorsqu’il s’agit d’encaisser les coups ou d’en donner. La comédienne était déjà de la partie avec Fede Alvarez dans Evil Dead, on pourra la retrouver bientôt dans la nouvelle mouture de la série Twin Peaks de David Lynch et Mark Frost, annoncée pour le printemps 2017.

Film sorti le 5 octobre 2016 dans les salles françaises.