Par quelles étranges circonstances meurent les savants les plus émérites du Paris des années 20 ? Alors qu’il embarque dans un train à destination de Berlin, Gontran Saint-Clair, illustre chercheur basant son travail sur la possibilité d’envoyer un avion dans la stratosphère, à quelques dizaines de kilomètres du sol, ne sait sûrement pas encore qu’il ne verra jamais la néo-place forte de l’Europe de l’Est avec le riche vivier industriel et culturel qu’elle agglomère. Mais autant la mort de Saint-Clair, qui n’a rien d’accidentel, peut inquiéter une communauté très dynamique et avivée par une soif de découverte et d’expérimentation sans pareille, autant les autres morts constatées ici ou là pourraient rendre le phénomène épidémiologique. Car outre Saint-Clair, on dénombre d’autres morts pour le moins suspectes. Ici le professeur Vernon pendu dans sa cave après avoir brûlé ses notes, là le docteur Vaillant repêché dans l’Elbe le visage dans un sale état. Si l’on considère que tous travaillaient sur la conquête de l’espace, ce qui pourrait relever de la pure coïncidence pourrait très vite devenir bien plus inquiétant.

Pour mener l’enquête sur ces morts étranges la police ne fait pas montre d’une ingéniosité et de dispositions propres à inquiéter le ou les commanditaires. Car, au fil des jours, l’évidence devient maintenant criarde, tous ont été assassinés avec une efficacité redoutable. Et cela Ferdinand Straub, un ancien as de l’aviation reconverti après-guerre en détective privé l’a parfaitement compris. Au fil de ses déambulations nocturnes il parviendra à identifier celui qui se cache derrière toutes ces mises en scènes et ces morts violentes, un mystérieux personnage du nom de Docteur Radar. Restera pour le détective à mettre la main sur ce fuyant mégalomane…

Le duo Simsolo-Bézian nous avait intrigué il y a dix ans maintenant avec un Ne touchez à rien surprenant et plein de promesses. Pour autant, la collaboration n’avait accouché que d’un seul projet… jusqu’à aujourd’hui ! Docteur Radar personnage imaginé par Simsolo pour un feuilleton radiophonique produit par Radio France au début des années 90, revient donc sur les devants de la scène pour une aventure palpitante et réellement maîtrisée. Le suspense omniprésent, le découpage dynamique, l’ambiance des années 20 dans un Paris atmosphérique digne des meilleurs Simenon, donne à ce récit une force et une attractivité réelle. Le dessin de Bézian se réinvente toujours, ici il se révèle dans la maîtrise très suggestive du mouvement. Une donne qu’il a spécifiquement travaillée pour restituer le rythme souhaité et orchestré par Simsolo. Cela vire parfois à l’expressionnisme, dans la représentation de la gestuelle des corps, tordus, déformés, difformes qui suggèrent toute une panoplie d’émotions, de la douleur, en passant par l’étonnement, l’anxiété, la peur… chaque case possède une dynamique, apporte une pierre à la compréhension d’ensemble. Cela donne un tout d’une grande fluidité et d’un réel esthétisme. Docteur Radar revit dans les mains de Simsolo et il trouve un prolongement naturel, celui de la représentation graphique. A noter qu’une version luxe limitée à 999 exemplaires est proposée par l’éditeur au prix attractif de 49 euros dans un format élargi et avec l’ajout d’un cahier graphique qui justifie à lui seul l’achat de cette édition. Chapeau bas !