Déluges est la deuxième publication d’un récent et petit éditeur, "Le Joueur", après Hacker. Il s’agit aussi et surtout de sa première création, et quelle création ! Pour son baptême du feu, Guillaume Besançon, l’un des principaux artisans de Le Joueur et auteur du présent jeu, a en effet vu grand en tapant dans le jeu de gestion. Le pari est d’autant plus risqué que dans ce domaine, la concurrence est rude, en particulier du côté de l’école allemande. Mais justement : Déluges n’est pas une production allemande, mais française. Un pays qui commence à imposer son propre style et à se démarquer de ses voisins. Alors, et Déluge ?

Dans Déluges, les joueurs sont mis à la tête d’une civilisation ancienne devant laisser le plus de traces possibles pour les générations futures en construisant des dolmens ou des merveilles. Pour cela, ils doivent faire appel à des ouvriers pour la récolte de ressources et la construction, à des guerriers pour conquérir des territoires et réduire les adversaires en esclavage, ou encore à des bateaux, pour transporter tout ce petit monde autour de la carte.

Les ressources constituent une différence importante entre Déluge et les jeux de gestion traditionnels à l’allemande comme Puerto Rico. Les différentes constructions peuvent en effet être construites avec n’importe quel(s) type(s) de ressources, mais plus vous utiliserez de types de ressources différents moins la construction coutera cher. Evidemment, chaque région de la carte est spécialisée dans un type, ce qui vous obligera rapidement à négocier ou attaquer vos voisins. Les interactions entre les joueurs sont donc bien plus riches que dans le Puerto Rico susnommés et la plupart des autres jeux du genre.

Le bois est un cas à part. La consommation de cette ressource centrale dans le jeu provoque en effet régulièrement des montées des eaux, entrainant progressivement la disparition d’iles jusqu’à un niveau fatal marquant la fin de la partie. Et oui, Déluges est, de ce côté, foncièrement pessimiste ; toutes les civilisations sont vouées à disparaitre quoiqu’il arrive et l’objectif n’est pas tant d’être gagnant que d’être un peu moins perdant que les autres.

Politique, Déluges ? Clairement, comme en témoigne par ailleurs le décorticage ludique que nous consacrons dans notre dossier sur l’écologie. Sans rentrer dans le détail des règles, pour lequel nous vous renvoyons à l’article suscité, l’effort fait pour relier mécanique, thématique et propos sous-jacent est assez remarquable.

Le tout se fait pourtant sans atteinte à l’intérêt ludique de la bête. Les paramètres sont tous bien équilibrés, et le jeu propose même un plateau double face, chacune étant adapté à un nombre de joueurs donné – trois ou quatre. Le tout est expliqué en 16 pages de règles très aérées et extrêmement claires, plus quatre pages de règles avancées qui, sans complexifier vraiment le jeu apportent quelques nouveaux paramètres intéressants.

Hélas, le travail sur le fond est ici particulièrement gâché par la forme, peut être en raison des moyens de production limité de son éditeur. A l’exception notable de l’illustration de la boite, somptueuse, le matériel est particulièrement décevant. En plus de ne pas vraiment flatter l’œil, le plateau n’est pas toujours lisible, les pions, des petites pierres, sont impossibles à manipuler correctement et leur couleur est mal choisie. Ce n’est donc pas qu’une affaire d’esthétisme – ce qui aurait été un moindre mal, mais aussi une affaire d’ergonomie, ce qui est beaucoup plus nuisible à l’intérêt du jeu.

Déluges mérite pourtant qu’on s’y attarde, de par l’excellent travail de fond dont il a fait l’objet. Et fait surtout espérer qu’une seconde édition, mieux produite, voit le jour et lui donne la place qu’il mérite.

Informations et téléchargement des règles sur le site de l’éditeur, http://www.le-joueur.fr