Jetons dans le chaudron deux mesures de Nervosa, ajoutons une drachme de Burning Witches et une once d’Hagbard… Il ne reste plus qu’à chauffer à vif et par sublimation nous obtenons… Crypta ! Fortes de l’expérience acquise dans leurs précédents groupes, Fernanda Lira (au chant et à la basse), Luana Dametto (batterie), Sonia Anubis et Tainá Bergamaschi (guitares) accomplissent des prouesses alchimiques avec Echoes of the Soul, premier album, sorti le 11 juin, qui transmute les cendres en metal black, death et puissant. En attendant de pouvoir retrouver le chemin des scènes et des festivals, Sonia Anubis s’est coulée confortablement dans le canapé de cuir clouté du boudoir aux interviews de Khimaira.

Khimaira : « Crypta », pourquoi avoir choisi ce nom pour le groupe ?

Sonia Anubis : On a beaucoup réfléchi, on a fait pas mal de « brainstorming » et on en est toutes arrivées à proposer des noms en rapports avec l’histoire ancienne. Et le fait est que, par le passé, pendant une tournée, Fernanda et Luana ont eu l’occasion de visiter d’antiques cryptes. Honnêtement, s’il y a bien une chose qui soit en rapport étroit avec l’imagerie du death metal, ce sont les cryptes ! On a essayé d’aboutir à quelque chose en partant de ce mot et on a trouvé « Crypta ».

Le logo du groupe déchire. Est-ce l’une d’entre vous qui l’a dessiné ?

Non. Nous avions une petite idée de ce que nous voulions, mais c’est l’artiste belge Christophe Szpajdel, que beaucoup appellent le « Seigneur des logos », qui nous l’a dessiné. Il a fait des logos fantastiques pour des groupes devenus légendaires, comme Emperor ou Nargaroth.

Vous avez toutes les quatre joué dans d’autres groupes auparavant. Est-ce la formation de Crypta qui vous a motivées à les quitter ?

En ce qui me concerne, j’ai quitté Burning Witches, mais ce n’était pas dans l’optique de créer Crypta, qui existait déjà depuis un an. Les autres membres de Burning Witches savaient du reste très bien que je jouais aussi ailleurs, et pour être honnête, ça faisait un certain temps que je ne me sentais plus très à l’aise avec elles. Fatalement, j’allais devoir prendre mes distances pour de bon. J’avais le sentiment de ne plus avoir mon mot à dire d’un point de vue créatif et il y avait en plus pas mal de frictions entre les musiciennes et le management. Avec Crypta, j’ai pu retrouver une vraie liberté d’expression. Les rapports entre nous sont très amicaux, ce qui facilite beaucoup notre collaboration musicale. Je suis beaucoup plus heureuse comme ça.

Il a toujours été question de faire de Crypta un groupe entièrement féminin ?

Oui, depuis le tout début. C’était important car, de notre point de vue, cela peut permettre aux femmes de se sentir plus confiantes et motivées pour se lancer dans la musique extrême. Le metal, c’est encore aujourd’hui un genre très masculin et, quand on est du sexe opposé, ça peut s’avérer intimidant de chercher à s’exprimer dans ce milieu musical.

Les musiciennes de Crypta sont brésiliennes, sauf toi qui viens des Pays-Bas. Comment es-tu entrée en contact avec elles ?

Quand elles faisaient encore partie de Nervosa, Fernanda et Luana avaient dans l’idée de monter un projet alternatif de death metal. Pour ça elles avaient besoin d’une guitariste, et c’est à moi qu’elles ont toutes les deux pensé ! Je suivais déjà ce qu’elles faisaient au sein de Nervosa avec beaucoup d’admiration, je me suis sentie très flattée qu’elles me proposent de les rejoindre. En plus, en tant que guitariste, je n’avais jamais joué que du heavy metal (j’ai déjà joué dans des formations de death mais seulement en tant que bassiste), alors ça représentait un nouveau défi pour moi.

Le premier échantillon de votre travail qu’on a pu découvrir, c’est la chanson From The Ashes et le clip qui va avec. On y voit chacune de vous quatre traîner son propre cadavre allongé dans un cercueil pour aller l’enterrer. Quel est le sens profond dissimulé dans ces images ?

Le thème central de la chanson, c’est celui de la métamorphose et de la renaissance. Nos existences sont faites de cycles qui s’achèvent et recommencent ensuite, et les scènes du clip constituent une métaphore du cycle de la vie. Nous enterrons nos propres personnes, c’est-à-dire une version de nous-mêmes dont nous voulons nous débarrasser, pour ensuite devenir autre chose plus en accord avec nos aspirations.

Je crois savoir que le travail de composition de l’album a débuté durant l’été 2019. Pourrais-tu nous décrire votre façon de travailler ?

En effet, nous avons commencé à travailler très tôt sur l’album, dès que le groupe s’est formé et avant même d’avoir trouvé notre nom, en fait. Il fallait qu’on apprenne à se connaître et qu’on voie si l’alchimie entre nous allait fonctionner. La meilleure façon, c’était de mesurer à quel point nos inspirations respectives pouvaient s’accorder. La plupart des chansons ont été écrites par Fernanda, Luana et moi-même car au tout début, nous n’étions que trois. Le processus créatif qui a été le nôtre a été très fluide : nous partagions toutes nos idées sur un Google Drive, et comme ça on pouvait trier, parmi nos différents travaux, les idées qui fonctionnaient le mieux entre elles. De mon côté, j’envoyais des enregistrements de riffs de guitare et des mélodies, et de leur côté, Fernanda et Luana partageaient avec moi des « riffs vocaux » que je retranscrivais ensuite en lignes de guitare.

Plusieurs chansons sont pleines de colère. Pourrais-tu résumer les sujets qui ont provoqué cette colère et servi d’inspiration pour les paroles ?

Je ne vais pas me risquer à commenter les paroles, car j’ai surtout travaillé sur les compositions. Je dirais que les titres de l’album font tous office de catharsis en permettant à certains sentiments de s’exprimer. Nous avons toutes traversé des situations difficiles par le passé, et nous avions besoin d’un groupe qui nous permette de nous exprimer sans aucune limite. Pour nous, Crypta représente un espace de sécurité où nous pouvons laisser libre cours à nos sentiments à travers la musique. Et je suppose que les paroles ont été également pensées dans ce sens.

La croix égyptienne que tu portes autour du cou, c’est un porte-bonheur ?

C’est une ânkh, elle symbolise la vie et l’immortalité. Ça fait pas mal d’années que je porte cette croix sur moi. Je suis un peu superstitieuse, et je veux bien croire qu’il y ait quelque chose après la mort. Peut-être que nous adoptons une forme d’existence différente, et que nous nous transportons dans une autre dimension, comme une « vie d’après ». Enfin, je ne suis sûre de rien, mais l’ânkh me procure le sentiment réconfortant que d’une certaine manière, nous pouvons être éternels.

J’imagine que toi et les autres musiciennes vous sentez très frustrées de ne pas pouvoir jouer l’album sur scène pour le moment. Que penses-tu des concerts en streaming que donnent certains groupes histoire de ne pas perdre le contact avec leur public ?

À mon avis, les concerts en ligne n’ont pas grand-chose en commun avec les vraies prestations sur scène devant un public, mais je n’y suis pas pour autant opposée ! Il se pourrait qu’on fasse quelque chose dans ce goût-là, avec Crypta. Ce ne serait de toute façon pas une mauvaise idée compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.

À part le death metal, y a-t-il d’autres sous-genres du metal que toi et tes camarades écoutez volontiers ?

Nous avons toutes des goûts musicaux très variés. J’aime à peu près tous les genres de metal, ainsi que d’autres styles musicaux qui n’ont rien à voir. Pour mon travail sur l’album de Crypta, mes influences sont à chercher dans le black et le death metal, dans leurs acceptions les plus brutales et old school. Il en va de même pour Luana. Fernanda, quant à elle, écoute surtout du death assez classique et Tainá aime beaucoup le death mélodique.

Y a-t-il des groupes avec qui vous adoreriez partir en tournée ?

Carcass, Behemoth, Cannibal Corpse, Obituary, Arch Enemy, Immolation, Nile… Et je pourrais en citer encore plein d’autres !

Le dernier album que tu as découvert, qu’est-ce que c’était ? Et le dernier en date que tu as adoré, de la première à la dernière note ?

Eh bien, pour être honnête, j’écoute beaucoup d’albums qui ne sont pas récents, alors je ne vais peut-être pas citer des titres tout juste sortis…

Pas grave…

Alors allons-y : le dernier album que j’ai découvert, c’était Lustful Sacraments de Perturbator [sorti en mai dernier, il n’est donc pas si ancien ! — NdR]. Et le dernier que j’ai aimé du début à la fin, Mana d’Unto Others [2019 — NdR].

Nous sommes en été et, d’habitude, c’est la période des grands festivals. Mais pas cette année pour beaucoup de ces rendez-vous musicaux. Qu’est-ce que Crypta a prévu pendant ces quelques mois ?

On adorerait évidemment se produire en live, mais comme on disait tout à l’heure, il va falloir encore attendre. Alors pour commencer nous allons toutes nous faire vacciner et lorsque la situation sanitaire le permettra, nous allons essayer de planifier quelques concerts d’ici la fin de l’année. Mais on ne se fait pas trop d’illusions, Crypta sur scène, ce ne sera sans doute pas avant 2022…

Merci beaucoup, Sonia, d’avoir répondu à ces questions !

Je te remercie de m’avoir invitée à le faire ! Avec un peu de chance, on jouera près de chez toi un de ces quatre. Stay wild and brutal !

Propos recueillis en août 2021. Remerciements à Magali Besson (Sounds Like Hell Productions) et à Sarah Weber (Napalm Records).

En bonus, les deux vidéos « making of » du clip From The Ashes et une troisième avec Sonia Anubis, qui exécute sa partition de guitare de Kali, l’une des dix pistes de l’album Echoes Of The Soul.

Site officiel du groupe