Le « Paris des Merveilles » — ou « cycle d’Ambremer » — comportait jusqu’à ce jour trois tomes, parus entre 2003 et 2015 et signés de la plume malicieuse de Pierre Pevel. Alors que se précise le projet d’une adaptation en bande dessinée de ces aventures sous le sceau de la fantasy urbaine, voici qu’arrive ce très sympathique volume renfermant pas moins de six histoires courtes reprenant à la fois le cadre parisien enchanteur et plusieurs des personnages de Pevel. Ce dernier ouvre et ferme le livre avec deux récits inédits —Veni, Vidi, V et Sous les ponts de Paris — et sinon cède la place du conteur à quatre jeunes talents invités : Catherine Loiseau (auteure de la trilogie steampunk La Ligue des ténèbres), Benjamin Lupu (géniteur des Mystères de Kioshe, également en trois volumes) et enfin Sylvie Poulain et Bénédicte Vizier, dont les histoires ont été sélectionnées après un appel à textes organisé par Pevel et l’éditeur Bragelonne.

Les lecteurs fidèles du cycle d’Ambremer seront ravis de retrouver les personnages emblématiques de la saga : répondent présent Louis Denizart Hippolyte Griffont (le héros des précédents opus, mage de son état), la belle cambrioleuse Isabel de Saint-Gil, le chat-ailé Azincourt, le majordome Étienne… tous évoluent dans une capitale française 1900 uchronique où les humains côtoient au quotidien les nombreux ressortissants du royaume magique d’Ambremer — fées, elfes, dragons, sirènes, trolls, etc. Comme il est de coutume dans pareils récits, des noms illustres — Léonard de Vinci, Auguste Rodin, Nikola Tesla —, bien réels, sont convoqués pour apporter une dimension romanesque supplémentaire en mêlant leurs destinées à celles des personnages de fiction. Principal maître d’œuvre de son univers, Pevel s’en tire le mieux avec ses deux récits pétillants d’humour dont la forme courte n’empêche nullement l’auteur de nous rendre sensibles les liens de forte complicité amicale qui unissent les héros. La vivacité des dialogues, pleins d’humour autant que de formules élégantes, nous donne l’impression d’assister aux échanges comme si nous faisions nous-mêmes partie de la bande, et l’expérience est délicieuse. Quant aux auteurs invités, même si aucun ne démérite et se montre digne de la confiance de Pierre Pevel, c’est sans doute Bénédicte Vizier, avec sa nouvelle Une Enquête d’Étienne Tiflaux, détective changelin, qui parvient à se distinguer comme la novelliste ayant su le mieux s’approprier à la fois l’univers, les personnages et surtout l’humour savoureusement décalé de son modèle. Le volume une fois refermé ne donne en tout cas qu’une envie, celle de se (re)plonger dans Les Enchantements d’Ambremer (2003), L’Élixir d’oubli (2004) et Le Royaume immobile (2015), les trois volumes originels, preuves enthousiasmantes du génie français en matière de fantasy.

En librairie depuis le 11 septembre 2019.