Kiri et Victor Poutine – je sais, c’est dur à porter d’autant qu’ils ont chacun un deuxième prénom aux consonances russophones – sont des Chronos Ruler. Ce sont des maîtres du temps. Ils se battent contre des horas, des monstres qui se nourrissent du temps des humains, les rajeunissant jusqu’à ce qu’ils disparaissent.

L’idée de Chronos Ruler est née dans l’esprit de Ponjea (aussi écrit Pon Jea), un mangaka originaire de Taïwan qui a adapté son œuvre en animé. C’est cependant la version manga papier qui nous intéresse. Ainsi l’auteur a décidé de faire du temps le centre de ce récit. Cela l’amène peu à peu à en faire un personnage à part entière.

Tout commence par une jeune fille rongée par le remords d’avoir été à l’origine de la disparition de son frère. Ce dernier lui a sauvé la vie en se sacrifiant. Ces regrets du passé, ce besoin de changer ce passé sont propres à attirer les horas. Heureusement, Kiri et Victor vont la sauver et lui expliquer que le temps est certes une matière mais qu’on ne peut pas le remonter pour le changer. On peut juste essayer de retrouver son temps.

Ainsi, Victor, bien que plus jeune d’apparence que Kiri, est le père de ce dernier. Lorsque la mère de Kiri est morte, Victor aurait tout donné pour changer le passé. Un hora lui a alors volé son temps et l’a ainsi rajeuni. Kiri est depuis en charge de son père qui ne manque jamais de faire un impair, car perdre son temps, c’est aussi perdre la mémoire de ce que l’on est.

Kiri est bien déterminé à retrouver le hora qui a rajeuni son père pour rendre à ce dernier son temps. Il est confronté à cette responsabilité et à cette inversion originale des rôles avec Victor. Nous n’en saurons pas plus dans ce premier volume sur ce que sont les Chronos Ruler et si Victor et Kiri sont seuls ou s’ils font partie d’une organisation plus vaste. Toujours est-il que c’est leur combat qui est le fil rouge de cette série.

Illustrée avec brio, cette série présente une approche originale du temps et de la responsabilité des jeunes gens. Ce seinen est riche de combats qui sont mis en valeur par une mise en page dynamique. La quête du temps est aussi une quête d’identité, d’où cette autre notion mise en avant qu’est la mémoire. La construction de la personnalité au travers des expériences passées entre donc parfaitement dans le cadre de ce seinen où l’aspect initiatique du passage à l’âge adulte est traité dans un processus inverse à celui des autres seinen, inversion du temps oblige.