Le printemps est revenu et avec lui les hirondelles, la fête des mères, les ponts du mois de mai (euh, non… pas cette année !) et, surtout, le Bloody Weekend ! Le beau festival franc-comtois rouvrira ses portes du 26 au 29 mai pour une septième édition à n’en pas douter aussi conviviale et bon enfant que les précédentes. À quelques semaines de l’événement, Loïc Bugnon, le grand ordonnateur du « bloody », analyse et commente pour nous le succès de son fabuleux rendez-vous audincourtois.

Créer un festival comme le Bloody Weekend, est-ce pour toi un rêve qui est devenu réalité ?

En effet, les rêves sont faits pour être réalisés, et depuis la première édition du festival, je vis sur un nuage ! Le public est au rendez-vous, à chaque année plus nombreux. Les visiteurs tout comme les invités sont heureux de trouver un festival à visage humain qui a pour but de fédérer et de partager cette passion qu’est le cinéma fantastique. Conférenciers, exposants… tous sont ravis de leur passage au Bloody Weekend.

Quels obstacles t’a-t-il fallu surmonter pour mettre sur pied un événement comme celui-ci ?

Il n’y en a pas eu tellement, en fait, si ce n’est bien sûr l’argent ! Comme l’a déjà souligné Philippe Nahon, le parrain de notre festival, le nerf de la guerre, c’est l’argent, ce sont les subventions. On subit également le contrecoup de la crise, la culture est pointée du doigt… Malgré cela, nous avons tout de même trouvé des aides, des partenariats, par exemple sous la forme d’échange de visibilité avec certains magazines, entre autres L’Écran fantastique, ce qui nous permet de communiquer à un niveau national. Je me déplace aussi beaucoup dans les différents salons, festivals, conventions, afin d’approcher les gens directement, ce qui est bien plus intéressant que de passer par une agence de communication. Enfin, nous bénéficions d’un soutien important de la ville d’Audincourt, sans qui le festival ne pourrait exister et qui met à notre disposition un très beau site, avec de la verdure et la rivière qui coule juste à côté… Nous sommes à côté de la Suisse, pas loin non plus de l’Allemagne, ce qui nous permet d’attirer des exposants hors des frontières françaises. Nous recevons des exposants allemands, belges… ce qui internationalise le festival.

Loïc Bugnon (à droite, fusil mitrailleur) en pleine action lors du Bloody Weekend 2015

Te rappelles-tu quand tu as contracté la passion du fantastique ?

Je suis tombé dedans à l’âge de huit ans. C’est une passion qui m’a ouvert les yeux et l’esprit sur tous les arts — la littérature, la bande dessinée, le cinéma… — et qui maintient toute l’équipe soudée : chaque édition du festival nécessite un an de préparation, et ce travail est rendu possible par le concours d’une cinquantaine de bénévoles qui nourrissent tous cette même passion. C’est elle qui nous donne l’envie d’avancer, de développer le festival. Chaque année, il faut se remettre en question, renouveler la programmation, trouver les invités, particulièrement des invités nouveaux qu’on ne voit pas forcément dans d’autres festivals. On essaie aussi de ménager une interactivité avec le public, avec plein d’animations. On a des stormtroopers qui patrouillent, une voiture de police new-yorkaise, un concours de cosplay, des quiz… Le Bloody Weekend, c’est un pop-up animé, un livre d’enfant, un peu comme L’Histoire sans fin, sauf que ça ne dure que quelques jours !

Le festival a aussi une ambition pédagogique…

Oui, nous travaillons aussi avec les médiathèques, les lycées et collèges. Tout au long de l’année, je donne des conférences, j’anime des ateliers avec des enfants pour montrer que le cinéma fantastique, ce n’est pas que de la violence et du sang. Je prêche la bonne parole, en quelque sorte, bien que je ne sois pas un gourou ! Et ça me permet de rappeler que le Bloody Weekend s’adresse à un public large, nos visiteurs sont âgés de six à quatre-vingts ans, voire plus !

Tu es donc tombé dans le chaudron il y a huit ans. Peux-tu nous en dire plus ?

C’était l’époque des cassettes VHS, et un jour j’ai découvert L’Exorciste de William Friedkin caché derrière le canapé du salon… Je l’avoue, je n’ai pas vu le film en entier, je ne pouvais pas trop sortir la tête de ma cachette au risque de me faire surprendre par mes parents, mais ce que j’ai entendu a fait travailler mon imagination. Après, il y a eu Massacre à la tronçonneuse, un autre choc, que j’ai découvert de la même façon, en n’entendant que le son. C’est étrange car lorsque j’ai pu visionner le film normalement sur un écran de télé, des années plus tard, je n’ai pas trouvé à l’image ce que je m’étais figuré à la seule écoute de la bande son. Je me suis rendu compte à ce moment-là à quel point le son et le soin apporté à la composition musicale sont importants dans la réussite d’un film d’horreur. Après L’Exorciste et Massacre…, j’ai bien sûr découvert Dario Argento, j’ai suivi un peu ce que tout le monde suivait à cette époque-là. Je dévorais les VHS, j’en louais peut-être huit ou dix le vendredi soir et je passais le week-end à les regarder. Je me suis ainsi construit ma culture du genre, en découvrant du même coup toutes ses ramifications — le giallo, le bis, le Z… plein d’univers à conquérir, à savourer, à comprendre. Après, je me suis tourné vers la littérature, les fanzines… tout est relié !

Les séries télé ?

J’aime aussi beaucoup les séries télé, même si, aux productions actuelles, je préfère ce qui se faisait « avant » : j’ai un petit côté nostalgique, j’aime beaucoup revoir les épisodes de La Quatrième Dimension. Ce qui ne veut pas dire que je vis dans le passé, mais je pense que les remakes, les sequels, les reboots qu’on nous sert abondamment n’incitent pas les gens à découvrir ce qui se faisait avant. Quand j’évoque le noir et blanc devant des ados, je vois bien que ça ne leur parle pas. Une fois, dans un lycée, j’ai proposé un petit quiz vidéo sur les films des années 1980, une période assez proche pour des gamins nés entre 1995 et 2000. Il y avait dans le quiz des titres comme Evil Dead, que des films cultes. Sur trente-cinq élèves, je n’ai pas récolté une seule bonne réponse ! Pourtant, on a vu récemment un remake d’Evil Dead, ils auraient pu m’en parler, mais non, rien n’est sorti.

Les visiteurs du Bloody Weekend ne sont pas comme ça…

Non, on voit quand même qu’il y a beaucoup de gens qui s’intéressent au genre. Je trouve qu’on avait vraiment besoin d’un festival comme celui-ci en Franche-Comté. On n’entend pas faire concurrence aux autres, par exemple Gérardmer ou d’autres festivals. On est tous différents ! Le Bloody Weekend est à la croisée des chemins entre convention et festival de cinéma, avec une compétition de courts métrages. Je suis un amoureux des courts métrages : pour un réalisateur, c’est un exercice difficile, ce n’est pas évident de réussir à transmettre un message en quelques minutes. Et puis, pour un jury, c’est moins fatigant. Parfois, dans une sélection de longs métrages, tu vois jusqu’à vingt-cinq films, ce peut être épuisant, d’autant que les vingt-cinq sont rarement tous bons. En règle générale, un court métrage dure moins de quinze minutes, et si tu en juges un pas terrible, tu trouveras peut-être le suivant excellent. Pour l’édition de 2015, j’ai reçu 602 films, retenu 28 pour la compétition et le jury s’est montré agréablement surpris.

On peut aussi assister à des projections de longs métrages…

Oui, on organise des séances en hommage à certains de nos invités. En 2015, j’ai laissé une carte blanche à Jean-Pierre Dionnet, qui a choisi de revenir sur Parents (1988) de Bob Balaban. Jean-Pierre nous a fait une petite présentation du film à sa manière avant la projection. Un épisode vivant et sympa, et qui permet une nouvelle interactivité avec le public. C’est important à mes yeux, je veux que les gens jouent, qu’ils participent à l’événement. Je ne veux pas d’un festival où les visiteurs s’assoient pour regarder des films puis repartent chez eux. Ici, les gens se baladent, font connaissance, discutent, rencontrent des exposants… dans le calme et la simplicité. Certains m’approchent pour me remercier de ce que je fais, et ça me fait chaud au cœur. Ils sont contents et, pour moi, ça vaut tout l’or du monde.

Y a-t-il des gens qui viennent faire un tour au festival par curiosité, sans rien connaître du cinéma fantastique, et qui repartent en ayant découvert un univers dont ils ne soupçonnaient pas l’existence ?

Il m’arrive en effet d’avoir ce genre de retours par mail et sur les réseaux sociaux. Un monsieur est venu me voir un jour pour m’avouer qu’il avait longtemps hésité avant de venir au festival, et qu’il a été agréablement surpris de ce qu’il y a trouvé. Il m’a dit qu’il reviendrait, qu’il en parlerait autour de lui. Je reconnais que certains font un petit blocage à cause du nom de notre festival, mais bon, c’est notre marque, on ne veut pas changer ça. Le Bloody Weekend est dédié au cinéma fantastique, et comme je disais tout à l’heure, celui-ci ne se résume pas à la violence. Ici, il n’y a aucune violence, on ne tue pas les gens ! Les spectateurs peuvent aborder le genre sous plein d’aspects : en 2015, nous avons proposé du fantastique merveilleux, des films très psychologiques, quelques monstres, du clonage, du post-apo., etc. C’est comme un arbre qui s’étend, l’arbre de la vie, une histoire sans fin !

L’Histoire sans fin, un long métrage que tu as déjà cité tout à l’heure !

C’est un film qui m’a beaucoup marqué étant enfant. Je l’ai d’ailleurs revu dernièrement car je fais aussi œuvre de pédagogie avec ma fille ! Elle a vu ce film, elle l’a apprécié ainsi que ceux de Tim Burton, le premier Godzilla, le premier King Kong… Elle a neuf ans ! À cet âge, il faut quand même tenir devant le premier King Kong ! Elle a tenu… Toute la famille vit dans le fantastique au quotidien, et j’en profite pour dire qu’on n’est pas pour autant des personnes déboussolées ou que sais-je, on est tous comme ma fille, qui est très respectueuse et qui a la tête sur les épaules. Des valeurs qu’on a à cœur de transmettre…

Merci, Loïc, c’est une belle conclusion.

Merci à toi, Julien.

Loïc et son imprimeur sont fiers de vous présenter l’affiche officielle du Bloody Weekend 7 !

Parents, enfants, grands-parents, oncles et tantes et toute la famille, rendez-vous du 26 au 29 mai au Bloody Weekend sur le site de La Filature — Espace Japy, à Audincourt (Doubs, 25) ! Cette année, le jury de la compétition des courts métrages sera composé — excusez du peu ! — de Jack Sholder (président), Yannick Dahan, Graham Masterton, Catriona Maccoll, Fabio Frizzi, Nicholas Vince, John McNaughton et Alain Schlockoff.

Site officiel du festival

Page Facebook

…et la bande annonce de l’édition 2016 :