La mangaka Yu Satomi file la métaphore sociale dans le deuxième tome de sa « croisière sanglante » : passé le simulacre du début de la traversée, quand le personnel de bord s’appliquait à n’éveiller aucun soupçon, tout à coup les masques tombent, les appétits se révèlent et les canines se dévoilent ! Les passagers humains « invités », des citoyens de classe moyenne qui se réjouissaient de profiter d’un séjour gratuit sur un paquebot, sont à présent au fait de leur rang à bord, celui de simple bétail à la merci de la société fortunée de vampires qui occupe les quartiers secrets du navire. Les prédateurs s’en donnent à cœur joie, le sang coule à flot…

Animée d’une inspiration aussi féconde que stimulante, Yu Satomi continue de nous surprendre dans ce chapitre deux où les agissements des suceurs de sang donnent à admirer des scènes d’horreur dignes d’une anthologie perverse de la BD vampirique. Les monstres organisent une espèce de marché aux esclaves puis vont s’ébattre dans la piscine remplie de sang, au milieu de têtes et de membres tranchés… Très vite, il ne reste plus grand monde en vie sur les différents ponts et l’un des quelques humains encore debout se voit proposer un deal inattendu : plutôt que de finir au menu du dîner de gala, accepterait-il de rejoindre la caste des dominants en devenant lui-même un vampire ?

La question demeurera plus ou poins en suspens, il va falloir patienter jusqu’à la sortie du tome 3 pour en avoir le cœur net. En attendant l’on peut  s’interroger soi-même — et c’est aussi l’intérêt de la lecture — et décider du choix qu’on ferait, placé face au même dilemme. Préférait-on finir comme un agneau ou vivre parmi les loups ? Succomber sous les crocs de l’oppresseur ou devenir soi-même tortionnaire ? Bloody Cruise fait notre bonheur en célébrant les noces barbares de l’horreur et de la philosophie.

En librairie depuis le 14 avril 2022. Cliquez ici pour retrouver la chronique du premier tome.