Les Italiens Andrea Celestini et Francesco Trifogli, alias Trif, ont trouvé leur spécialité en se livrant à la relecture érotique des contes traditionnels. Après s’être fait la main sur Cendrillon (vous me pardonnerez bien la formule) en 2013-14 et avant de passer à La Belle et la bête (en 2017), les deux complices ont réorganisé avec une belle inspiration les histoires de Blanche Neige et de Raiponce pour aboutir à cette version dénudée dans laquelle Blanche Neige endure, comme il se doit, les tourments que lui inflige sa marâtre de belle-mère, la fière et vaniteuse (et nymphomane) Reine Grimilde. On connaît la chanson : parvenue à l’âge adulte, la jeune brune est devenue la plus belle du royaume, aussi la rousse Grimilde use-t-elle de toute sa félonie pour la faire disparaître…

Et le duo antagoniste Blanche Neige & Grimilde se voit complété par l’introduction de Raiponce, la fameuse jeune fille à la chevelure d’or du conte allemand. Trif s’en donne à cœur joie : initiée au plaisir par Marie et Sophie, ses deux demoiselles de compagnie, Blanche Neige trouve autre chose à faire, une fois dans la maisonnette des nains, que de vaquer aux tâches ménagères des petits messieurs en chantant « Siffler en travaillant » le balai en main. Non loin, la princesse va faire connaître l’extase à l’ingénue Raiponce avant que l’une et l’autre soient virilement dépucelées par Simplet, d’aspect et de constitution fort différents de son alter-ego chez Disney ! L’assemblage des deux histoires fonctionne parfaitement, d’autant qu’il autorise toutes les audaces et combinaisons : le scénario de Trif explore un riche éventail de possibilités sexuelles (y compris un plan à trois sulfureux entre Blanche Neige, le Prince Charmant et la Reine !), sans oublier pour autant de les relier les unes aux autres par des enjeux dramatiques de bon aloi. Fait notable : les filles sont aussi joliment croquées que dans les planches des BD de Milo Manara, avec des lignes et des courbes mises en valeur et en relief par le travail impeccable de coloriste d’Andrea Celestini. « Je n’ai jamais vu de tableau plus merveilleux » — « La rousse, la brune et la blonde… il y en a pour tous les goûts », observent au fil de l’aventure deux des personnages, des brutes de second plan, soit, mais à qui on ne donnera pas tort.

Blanche Neige — L’intégrale rassemble les trois tomes initialement parus en 2015-16 (La Reine vénéneuseLa Princesse aux sept nains et La Fille à la chevelure magique). Disponible en librairie depuis le 26 janvier 2021.