L’animation japonaise ne recule jamais quand il s’agit de dépeindre des univers sombres et déprimants. Voici donc Blame! (prononcer « blam »), œuvre d’anticipation cyberpunk à l’ambiance claustrophobique qui, comme c’est souvent le cas, n’est pas un film isolé mais trouve sa place dans une chaîne créative comprenant également un manga (signé Tsutomu Nihei et édité en France par Glénat) et un ONA (série d’épisodes courts produits pour une diffusion sur Internet). Dans un avenir très lointain, l’intelligence artificielle a fait de tels progrès que les machines se sont affranchies du joug de leurs créateurs pour se développer au-delà de toute mesure, en éradiquant la présence humaine. Les hommes sont réduits à de petites communautés clandestines, à la recherche permanente de nourriture dans un monde sans soleil qui n’a plus rien de naturel…

L’intrigue rappelle l’univers de Terminator, mais Blame! trace son propre sillon : le travail essentiel des machines (nommées « constructeurs ») est d’assembler et d’étendre toujours plus avant « la Ville », vaste enchevêtrement d’infrastructures qui prolifère à l’infini, dans tous les sens. Un cancer métallique que les quelques humains qui restent, plongés dans un nouvel âge des cavernes, sont impuissants à combattre… À tous les coups, un pitch comme celui-ci aurait condamné des scénaristes américains à injecter une dose d’espoir en ménageant une échappatoire christique à la Matrix à base de prophétie, d’élu, etc. arrivant pour sauver l’humanité. Ici, non : les héros de l’histoire, une communauté menée par l’autorité bienveillante du « Père », vieux samouraï à moustache, font bien la rencontre d’un type énigmatique, Killy, venu de très loin (des niveaux inférieurs de la Ville, qui en compte des centaines, voire des milliers), et plus tard d’une scientifique robotique nommée Shibo, porteuse d’un précieux savoir. Mais la quête qui suivra consistera surtout à mettre la main sur une source inespérée de nourriture pour garantir la survie de la tribu.

Blame! a été conçu en « cell shading » et présente une animation très fluide, avec un superbe travail sur la profondeur de champ et les changements de mise au point, qui dynamise les scènes d’action (les héros luttent contre des robots-araignées hyper-agiles voués à l’extermination des humains). Cette énergie et le soin apporté aux décors, gigantesques et sombres, cadrés en format scope, constituent les principales accroches du film. Sinon, les personnages, aux identités sommaires, ne forcent pas l’empathie, et le scénario s’avère opaque quant aux buts poursuivis par Killy, sorte de « rōnin » errant, et la cybernétique Shibo (précisons que la trame de l’histoire a été simplifiée, et qu’une masse conséquente d’informations a été occultée par le passage du manga au cinéma). Le spectacle vaut tout de même le coup d’œil si vous êtes client, à la base, des longs métrages de S.F. en japanime. Blame! n’est pas visible en salles mais sur Netflix, depuis la semaine dernière.