Septembre, c’est la rentrée des classes, c’est aussi le mois choisi par les organisateurs alsaciens du FEFFS pour organiser leur grande fête du fantastique. La sixième édition du Festival européen du Film fantastique de Strasbourg aura lieu du 13 au 22. Tous les joyeux drilles friands de curiosités en tout genre vont pouvoir s’extasier devant des merveilles aux titres improbables tels que Big Ass Spider, Tik Tik, All Cheerleaders Die (le dernier film de Lucky McKee). On pourra aussi jeter un œil au pas terrible Frankenstein’s Army, sélectionné également ce mois-ci à l’Étrange Festival, ou encore passer une excellente soirée devant le bon film à sketches V/H/S/2… Parmi les treize métrages en compétition, on trouve d’autres titres alléchants comme ce Bad Milo!, qui risque de se tailler un joli succès auprès du public, notamment la frange des spectateurs ayant perdu leur virginité cinémato-fantastique dans les années 1980, devant les œuvres de Frank Hennenlotter, de Stuart Gordon, devant les premiers films de Peter Jackson ou de Sam Raimi.

Duncan est un trentenaire costume-cravate qui souffre d’un état de stress permanent. Au boulot, son supérieur le placardise et le contraint à se livrer à un job des plus ingrats : signifier leur renvoi aux salariés licenciés. À la maison, ce n’est guère mieux car il serait temps, après des années de mariage, de planter la petite graine et de permettre à la jolie Sarah de devenir maman, d’autant que Beatrice, la propre mère de Duncan, une cougar envahissante, suspecte son rejeton d’être infertile, impuissant ou dieu sait quoi encore… Or voilà : notre héros passe le plus clair de son temps à affronter un tout autre problème : des ennuis intestinaux chroniques qui le condamnent à d’interminables et douloureuses séances-caca. La médecine croit détecter un polype, mais Duncan, avec l’aide d’un hypno-thérapeute un peu filou, met au jour une réalité tout autre : ses boyaux sont habités par une créature naine qui a le pouvoir de sortir et rentrer à volonté en passant par les voies naturelles !

En plus de faire rigoler avec des bruits de pet et des taches marron, Bad Milo! est une petite merveille de série B qui a mille choses à dire sur le sujet éminemment sensible de la pression sociale exercée sur les individus dans à peu près tous les aspects de la vie courante. Duncan doit se montrer sans cesse performant (au travail, physiquement, sexuellement), affronter l’adversité sous toutes ses formes, surtout venant de personnes qui devraient être là pour l’épauler (sa mère, son père, son médecin, ses collègues de travail…). Quelle solution adopter, vers qui se tourner ? Le salut se trouverait-il dans une forme inattendue de régression et un retour insolite à la phase anale ?

Bon, attention, ces considérations freudiennes ne doivent pas vous détourner de la nature même de Bad Milo!, avant tout une comédie grinçante mâtinée d’horreur. Le film est gentiment gore, la créature — Milo, donc — se lançant dans des expéditions punitives pour aller liquider avec ses griffes et ses grandes dents tous les nuisibles qui causent du tort à Duncan. L’épouvante n’est pas vraiment graphique, les massacres étant cadrés serrés, voire se déroulant hors champ (tout comme les multiples allées et venues de la bébête dans le trou de balle de Duncan, qu’on est bien obligés d’imaginer !). Le casting est parfait : hormis Milo, très expressif et amoureusement façonné en latex, à l’ancienne, on trouve Ken Marino, acteur de série télé, excellent dans le rôle de l’antihéros, un monsieur tout-le-monde à la fois courageux et désemparé ; à ses côtés, Patrick Warburton (vu dans Ted de Seth McFarlane) incarne avec fiel un chef de bureau ostensiblement manipulateur, et Peter Stormare s’amuse comme un dingue à cabotiner dans le rôle de l’hypno-thérapeute et ami de Duncan. Amis strasbourgeois, ce sera donc dès cette semaine, aux cinémas Star et Saint-Exupéry, que vous pourrez jouir sans retenue du spectacle. Pour les autres, eh bien, rendez-vous sans doute dans quelques semaines ou quelques mois dans les rayons dvd, où le « vilain Milo » ne manquera pas de se faire remarquer…