Ce n’est pas seulement la fréquence des sorties dans la gamme de l’Appel de Cthulhu qui est effrayante, mais aussi le poids moyen des suppléments. Et ce n’est pas ce Terra Cthulhiana qui va faire baisser la moyenne ! Sans Détour a de nouveau été piocher chez nos voisins Allemands, assez prolixes en création Cthulhienne locale , pour cet imposant grimoire de 384 pages.

L’ouvrage se propose de revisiter à la mode fantastique quelques lieux et mythes répartis tout autour du globe – une carte intelligemment placée en couverture intérieure positionne chacun d’eux avec la page de l’ouvrage où ils sont abordés. Si certains sont purement mythologiques (l’Hyperborée, Mu, R’Lyeh, Kadath), la plupart sont des sites archéologiques, des restes de civilisations isolées du monde, de sous-cultures trop différentes des peuples connus pour être parfaitement comprises.

En dix à douze pages, les maigres connaissances sur chacun de ces sites sont passées en revue, mettant en évidence les incohérences et les interstices dans lesquels peuvent se glisser quelques traces de Cthulhu pour l’occasion d’un scénario ou d’une campagne. Le texte prennent majoritairement le point de vue d’un néophyte du Mythe, et peut être utilisé, en partie ou en totalité, comme un texte universitaire ou scientifique que les PJ pourrait trouver au cours de leurs aventures. A eux, ensuite, de combler les trous avec leurs propres connaissances impies.

La contre-partie est que le MJ aura un travail conséquent pour faire le même travail lors de la préparation de ses aventures. En effet, si quelques références au Mythe sont explicitement données, la manière dont il s’insére dans ces contexte est assez libre, parce qu’elle est presque complétement à faire. On ne peut pas tout avoir!

La qualité des textes est d’ailleurs tout à fait remarquable. Leur précision leur confère une excelente crédibilité – le travail de recherche qu’ils ont du nécessiter est sans aucun doute très important. Les espaces qu’ils laissent vides sont intelligement placés et avec une certaine subtilité. Avec une telle quantité, il y en a pour tous les gouts. Inévitablement, il y a aussi, si ce n’est quelques ratés, du moins quelques chapitres moins percutants. Il n’était pas difficile de faire mouche avec les civilisations d’Amérique du Sud, tant lors elles trouvent une raisonnance exotique et fantastique forte dans nos esprits. Faire de même avec Shamballa, que les auteurs conseillent même de laisser à l’état de concept, est une autre affaire. De même qu’il est plus difficile de faire passer les recherches sur les lieux mythiques comme Mu pour autre chose que les lubies peu sérieuses d’enluminés.

La seconde partie de l’ouvrage, d’une centaine de pages, revisite quelques légendes en parcourant le monde sur leurs traces: le Graal, les templiers, les pyramides… Il forme autant de cadres de campagne exploitables dans des aventures à la Indiana Jones mais avec des ennemis plus sournois que les Nazis et une finalité nettement plus sombre. Pour étayer le tout, Sans-Détour a ajouté aux habituelles photos, globalement bien choisies, de très nombreux plans et schémas.

Terra Cthulhiana ne manque pas de qualités et a peu de défauts. Mais soyons clair: c’est un supplément exigeant destiné à ceux qui aiment écrire leurs propres scénarios. C’est à dire, le type même de supplément qui manquait un peu à la gamme jusqu’ici. Sans-Détour nous a encore comblé, on dit « merci Sans-Détour »!